dimanche 2 mai 2010

Sgt Pepper's : deux, c’est la foule

Avec leur sens particulier du timing, les Beatles allaient lancer leur album le plus marquant, à défaut d’être le meilleur, en plein été de l’amour, après cinq mois de gestation. L’idée de départ de Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band avait germé dans l’esprit de Paul McCartney vers la fin 66.  Les Fab Four venaient de mettre un point final aux tournées.  Ils avaient choisi de ne plus se livrer à des parodies de leurs chansons sur fond d’hystérie collective.  L’idée de créer un album entièrement original, sans contraintes et sous un autre nom que celui des Beatles, en avait inspiré le titre.
Paul McCartney et John Lennon, enregistrant Sgt Pepper's.
Ce projet en tête, McCartney téléphona à un John Lennon alors démotivé et en perte de vitesse.  Le compositeur à lunettes s’était jusque-là taillé la part du lion dans la plupart des albums, avait publié deux recueils d’humour absurde, en plus de tourner pour Richard Lester, le réalisateur des films des Beatles.  D’un disque à l’autre, McCartney gagnait cependant du terrain et Lennon, le leader initial, anticipait le jour où son partenaire lui ferait ombrage.  Dans sa dernière entrevue, en 1980, l’auteur d’Imagine évoque avec amertume l’épisode Pepper comme s’il avait été victime d’un putsh.

Si donc pour la première fois, John Lennon enregistrait moins de titres que son collègue, il atteignait de nouveaux sommets, comme en témoignent des pièces aussi novatrices que Lucy In The Sky With Diamonds, Being For The Benefit Of Mr Kite ou A Day In The Life, dans laquelle McCartney avait inséré une courte mélodie.  Le travail de patchwork de Lennon sur les autres morceaux de l’album s’avère par ailleurs déterminant. 

Paul McCartney, épaulé par le producteur et arrangeur George Martin, demeure toutefois le principal maître d’œuvre de Sgt Pepper. Si cet album brille par une recherche formelle jusque-là inégalée, la richesse mélodique n’est pas toujours au rendez-vous.  Nombreux lui préfèrent Revolver, paru l’année précédente, non sans raisons. 

En effet, le laborieux Within You, Without You, de George Harrison, donne l’impression qu’un musicien termine sa toilette au rasoir électrique.  Lennon avait déjà affirmé que When I’m Sixty-Four représentait à ses yeux ce que McCartney avait écrit de pire.  Quant à Lovely Rita, on cherche en vain l’intérêt de la chanson, comme du personnage.  Même Lennon ne nous épargne pas, avec Good Morning, Good Morning, inspiré d’une pub de Corn Flakes.

Conçu à l’origine comme un album ayant l’enfance pour thème, Sgt Pepper véhicule plutôt le concept de l’album-concept, qui allait être repris avec plus de justesse par Pink Floyd, Allan Parsons Project et la vague de rock psychédélique et progressif.  À partir de la troisième chanson, affirmait Lennon, le concept de l’album s’était évaporé.

Si Sgt Pepper représente le sommet des Beatles, il annonce cependant le début de leur fin.  Ce n’est pas un hasard si, dès l’année suivante, le très sobre album blanc proposait un retour au bon vieux rock and roll.  À noter que cet album, dominé dans une égale mesure par Lennon et McCartney, est un album double, comme s’il n’y avait déjà plus assez de place pour deux leaders dans un disque standard.  La conclusion appartient à l’histoire.

5 juin 2007

Ce Rétrolivier est paru dans Amazon.fr, le 14 novembre 2008

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