Devrons-nous un jour assurer notre propre sécurité ?
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Personnellement, je n’ai rien d’un westerner qui place au sommet de ses priorités de protéger sa famille et sa propriété à l’aide d’une arme à feu contre un potentiel, accidentel ou événementiel assaut occasionné par un homicide, cupide, ou stupide intrus. Mon opinion demeure que, plus d’armes à feu circuleront dans nos communautés, pires seront les risques d’accidents regrettables occasionnés par leur utilisation inconsidérée, avec pour trop fréquent dénouement le trépas d’une ou de plusieurs victimes. Remarquez, jamais je ne m’opposerai à ce que des gens dotés de bon sens et de toutes leurs facultés mentales, aptes à manier une arme à feu à la suite d’une formation appropriée, et suffisamment responsables pour entreposer lesdites armes à l’abri de mains juvéniles ou inadéquates, puissent s’en procurer. Chacun son hobby et son ordre de priorités.
Mon choix de ne jamais faire entrer d’arme à feu dans mon foyer repose sur une confiance, très relative, j’en conviens, en l’efficience de nos services policiers et judiciaires ainsi qu’en nos lois. Traitez-moi d’idéaliste, si le cœur vous en dit.
Mais il y a un « mais »…
Un événement récent m’a toutefois amené à reconsidérer mon point de vue. Quelle attitude serait la mienne si, malgré des menaces et attaques répétées, envers les miens comme moi-même, venues d’un sociopathe devenu l’un de mes voisins, la police de ma ville se contentaient de molles remontrances à son égard, et que sa magistrature se cantonnait à sanctionner ces actes répréhensibles de sentences bonbons, dont notre tortionnaire se rirait, loin de se décourager ? Cette question, je n’ai pu l’esquiver à la suite du meurtre sordide et gratuit de Ronald Malo, 80 ans, et de la tentative de meurtre sur deux employés municipaux de Verchères par Roland Belzil, 70 ans, principal suspect.
Ronald Malo, victime de meurtre.
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C’est à la suite de ce dernier fait d’armes, au cours duquel Luc Fortier, directeur général de la ville, et Martin Massicotte, son adjoint, ont été sérieusement blessés à la tête, à l’aide d’un couteau de cuisine, que le forcené a été arrêté. Heureusement pour eux, un employé municipal, alerté par les cris, avait auparavant maîtrisé Belzile. Plus tard, la même journée, la police découvrait le cadavre de Ronald Malo, sur la route Marie-Victorin, apparemment victime du même individu. Malo était la cible, avec sa femme, de menaces et de mauvais traitements de la part de Belzile. Ce harcèlement enragé durait depuis près de 12 ans, sans que quelque intervention que ce soit, policière, légale ou autre, ne semblât près d’y mettre un terme.
« Une agression comme ça, c’est inconcevable. Il a agi comme un vrai sauvage », a déclaré Sylvain Malo, beau-fils de la victime. « Depuis le début, on dénonce les menaces, le harcèlement et l’intimidation dont Ronald a été victime. Ça fait des années que lui et ma mère vivent dans la peur. »
Comment justifier pareille inertie ?
Je me demande ce qui est le pire, dans la situation de ce couple opprimé par un psychopathe : la mort de l’homme, ou le harcèlement interminable vécu par les victimes, sans que la police, la justice et les lois ne soient parvenues à mettre un frein définitif à leurs souffrances. Vous rendez-vous compte ? Douze ans à subir les multiples vexations d’un dément sans l’espoir de voir une fin à vos problèmes à l’horizon ? Comment justifier pareille inertie ?
Selon Robert Poëti, ex-policier et chroniqueur au Journal de Montréal, il est difficile d’identifier le danger réel que peut représenter une personne. Même quand les délits s’accumulent depuis des années ? M Poëti prêche apparemment pour son ancienne paroisse quand il ajoute : « C’est certain que lorsque les menaces sont multipliées, il est plus difficile de déceler le réel danger. » Vous avez bien lu. Plus vous dénoncerez, moins on vous prendra au sérieux… Je me demande quelle marque de café boit M Poëti.
Nicole Malo, veuve.
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« Qu’est-ce qu’il aurait fallu faire de plus pour prouver qu’il est dangereux ? » s’est exclamée la veuve de la victime, Nicole Malo. Vous taire, Madame, si je m’en remets au « jugement » de M Poëti. Moins vous auriez porté plainte, plus vous auriez été prise au sérieux… Pour toute défense contre les gestes de harcèlement répétés de l’enragé, ce dernier a été soumis, après une poursuite au civil et une autre, au criminel, à une probation de trois ans sans surveillance, ordonnance que, aux dires de la famille de la victime, il n’observait jamais. Des documents de cour confirment qu’il aurait omis à deux reprises de s’y conformer. L’individu aurait par ailleurs proféré des menaces de mort envers M Malo à plusieurs reprises. Maintenant qu’il est passé aux actes, la police détient enfin une preuve tangible qu’elles étaient fondées. Le suspect a été finalement mis sous les verrous… trop tard !
Un meurtre annoncé
« Il nous disait toujours qu’un jour, il aurait notre peau, confie Mme Malo. Ce n’est pas un cas où deux fils se touchent et un crime est commis. Le meurtre a été annoncé plus d’une fois. Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le système ? Est-ce qu’on banalise les menaces de mort ? » Un bon mouvement, M Poëti, expliquez-lui…
Les problèmes des Malo avec Belzile ont débuté quand ce dernier a logé deux poursuites contre Malo pour lui avoir soi-disant vendu un terrain contaminé. Selon les beaux-enfants de ce dernier, Belzil aurait alors voulu faire de Mme Malo son amante, récoltant un refus sans équivoque. Il lui aurait même attrapé les seins en lui disant qu’elle lui appartiendrait de deux à trois fois par semaine ! L’étrange don Juan aurait ensuite menacé Mme Malo, selon sa fille Isabelle : « Ma chienne, tu vas voir, j’ai pas fini avec vous autres » aurait-il tonné.
Roland Belzile, suspect.
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Le conflit serait ensuite devenu quotidien, donnant lieu à une première poursuite des Malo contre leur agresseur en 2005. Depuis, le triste sire a dû comparaître à plusieurs reprises en cour, sans pour autant entendre raison, ni recevoir de sentence suffisamment dissuasive pour qu’il garde la paix.
Malgré ces hauts faits, le maire de Verchère, Alexandre Bélisle, tout en sympathisant avec la famille Malo, s’est publiquement désolé que celle-ci pense que la municipalité aurait dû intervenir pour éviter l’issue tragique de cet interminable conflit. « Nous ne pouvons rien faire d’autre que d’appliquer les règlements municipaux dans la limite de nos moyens. » devait-il préciser.
Alors, si un homme est mort par la malveillance d’un autre, c’est que la fatalité l’aura voulu ainsi. Ni la municipalité, ni la police, ni la justice, civile comme criminelle, n’ont quoi que ce soit à se reprocher. C’était écrit. On ne pouvait rien y faire.
« Il ne faut pas qu’il sorte » a déclaré Isabelle Malo, fille de la veuve. « S’il sort, c’est ma vie, celle de ma sœur, de ma mère et de nos enfants qui seront en danger », de renchérir son frère.
Qui sait, peut-être les autorités jugeront-elles que le suspect ne représente qu’un risque modéré pour la société et lui offriront-ils une chance de démontrer sa bonne volonté ? Restons cools et tolérants…
Le citoyen devra-il désormais assurer sa propre sécurité ?
Affaire Belzile : la crédibilité du système
à nouveau mise à mal. |
J’en reviens à mon propos initial. Si en plus d’avoir fait preuve d’une mollesse coupable, notre système en arrivait à reprocher à un citoyen soumis pendant des années à un harcèlement soutenu d’assurer sa propre sécurité en faisant usage d’une arme à feu contre son agresseur, alors qu’il est attaqué, que devrait-on conclure de pareille attitude ?
Je ne suis toujours pas convaincu qu’il faille en arriver à assumer soi-même sa sécurité de façon armée. Pourtant, si des épisodes comparables à celui vécu par le couple Malo devaient se répéter, la nécessité de garantir la protection de sa famille, en l’absence d’un soutien policier et légal adéquat en pareil cas, pourrait gagner un nombre grandissant de citoyens. Une belle province armée, où la présence d’armes à feu deviendrait aussi courante que celle de cellulaires, ça vous tente, M Poëti ?